décembre 2021
Démarrage de l’usine d’acide sulfurique de la fonderie Horne - 20 décembre 1989
Par Julien Rivard
L'usine d'acide sulfurique de la Fonderie Horne
Le 20 décembre 1989 marque la première journée complète de fonctionnement de l'usine d'acide sulfurique de la Fonderie Horne. Pour Rouyn-Noranda, c'est un moment clé qui a rendu possible le maintien de la fonderie et la poursuite de sa modernisation, qui se continue aujourd'hui. Car sans la présence de cette usine d'acide, il n'y aurait plus de fonderie Horne. Les bénéfices environnementaux sont considérables même si des progrès additionnels sont nécessaires. Les émissions de SO
2 et de poussières toxiques sont maintenant réduites de 96 %. La fonderie Horne continue à être un contributeur majeur à l'emploi et à l'activité économique locale
Un rappel historique avec un arrière-goût
Le 20 décembre 1989, en faisant fonctionner l'usine d'acide sulfurique de la fonderie Horne pour une première journée complète, la compagnie Noranda se conforme au Règlement sur la qualité de l'air qui l'oblige à opérer une telle usine en 1989 et à récupérer au moins 50 % de l'anhydride sulfureux (SO2).
Jusqu'aux années 1970, Rouyn-Noranda était une ville très polluée, avec la réputation d'être la deuxième pire au Canada après Sudbury. La fumée de la fonderie était le plus important symbole de la pollution. C'était aussi un important contributeur aux pluies acides dont on découvrait l'effet néfaste pour l'environnement à l'échelle continentale. La population subissait fréquemment les retombées de SO 2 qui prend à la gorge.
La construction de l'usine d'acide est l'aboutissement d'une démarche tortueuse. À partir de 1975, des groupes environnementaux sont mis sur pied et les questions environnementales sont soudainement devenues au cœur de l'actualité locale. La pollution de la fonderie arrivait en tête des préoccupations. En comparaison, à Timmins en Ontario en 1976, une nouvelle fonderie de cuivre traitait le SO 2 émis, tandis que la compagnie INCO de Sudbury récupérait 70 % de ses émissions en 1983.
En 1977, Marcel Léger, le ministre de l'Environnement du Parti québécois, confie au Bureau d'étude sur les substances toxiques (BEST) le mandat de documenter tous les aspects de l'environnement à Rouyn-Noranda. Il en résultera un rapport de 40 documents largement diffusés. Le ministre met aussi sur pied le Comité permanent sur l'environnement à Rouyn-Noranda (CPERN) pour qu'il représente, informe et consulte la population en rapport avec ces études. Un vaste débat public prend alors forme. L'idée d'une usine d'acide sulfurique vient en tête des priorités. La compagnie Noranda y pensait depuis le début des années 1970. Elle en avait prévu la réalisation à la suite de la mise en production du réacteur Noranda et d'une usine d'oxygène en 1973, ces technologies facilitant la récupération du SO2.
Ce sont l'inflation et les coûts qui auraient incité la compagnie à abandonner ce premier projet d'usine d'acide sulfurique. Un autre facteur pourrait être la fermeture de la mine Horne en 1976, faisant perdre à la fonderie son principal approvisionnement en concentré de cuivre et d'or. En avril 1982, Mines Noranda annonce qu'elle ne construira pas d'usine d'acide sulfurique de 150 M$ parce qu'elle perdrait 45 M$ en 10 ans. Elle réitère cette décision en 1984 malgré l'ordonnance gouvernementale qui l'oblige à le faire.
La pression sur la compagnie s'amplifie. En réaction, celle-ci menace de fermer la fonderie et envisage de s'installer en Australie. Elle aurait cependant constaté que les exigences environnementales étaient encore plus restrictives dans ce pays qu'ici. De plus, selon certains observateurs, la compagnie aurait estimé que la fermeture lui coûterait très cher, possiblement un milliard de dollars pour la démolition et la restauration des sites affectés.
En 1987, l'Abitibi-Témiscamingue tient un Sommet socioéconomique où 64 projets de développement sont présentés. Le milieu des affaires et une grande variété d'organismes classent alors en tête des priorités le projet d'une usine d'acide sulfurique à Rouyn-Noranda récupérant 80 % du SO 2. La pression venait aussi des États-Unis. Le Clean Air Act y obligeait les usines à récupérer au moins 70 % du SO2 émis en 1990 ou à fermer. Le Canada ne pouvait demeurer inactif, surtout qu'il dénonçait le fait que les États-Unis étaient responsables d'une part significative des pluies acides de l'est du Canada.
Un brusque revirement de situation survient en mars 1987. Par une entente conclue avec les gouvernements fédéral et québécois, la compagnie obtient des « prêts » couvrant les deux tiers de l'investissement annoncé de 125 M$ pour la construction d'une usine d'acide sulfurique destinée à capter 50 % de ses émissions de SO 2. Malgré une satisfaction évidente, plusieurs dénoncent les conditions de « remboursement » des prêts qui sont l'équivalent du principe « pollueur-payé » plutôt que « pollueur-payeur ». La récupération de 50 % des émissions est également jugée nettement insuffisante.
Modernisation de la Fonderie Horne et réduction des émissions de SO2
Les émissions de SO2 n'étaient plus acceptables
La Fonderie Horne continue à exister et continuera à exister. C'est le plus important impact de l'usine d'acide sulfurique. Il n'y avait pas d'autre option ! À Rouyn-Noranda, au Québec, au Canada et ailleurs, la population et les gouvernements n'acceptaient plus le maintien d'une usine aussi polluante. Sa fermeture n'aurait pas tardé. Déjà en 1989, la récupération de seulement 50 % du SO 2 émis n'était plus acceptable. Le CPERN exigeait au moins 90 %, ce à quoi la compagnie finit par s'engager pour l'an 2000. Elle développe la technologie du convertisseur Noranda, qu'elle met en service en 1997. Les gouvernements assument une partie des coûts de ce projet. En effet, selon l'entente de 1987, la compagnie n'aurait pas à rembourser les « prêts » de 83,3 M$ pour l'usine d'acide si elle poursuivait ses investissements en vue de réduire davantage ses émissions polluantes.
Par la suite, la compagnie a continué à améliorer ses procédés et à réduire ses émissions polluantes. Au début des années 2020, une autre étape de modernisation est en cours par le développement du procédé Phenix dans le secteur des convertisseurs et des anodes en vue d'améliorer les performances financières, techniques et environnementales.
Réduction des émissions polluantes et autres bénéfices environnementaux
L'usine d'acide sulfurique et les modernisations subséquentes procurent des bénéfices environnementaux significatifs en comparaison au passé. En 2020, 96 % du SO 2 dégagé est capté et traité dans l'usine d'acide. Les émissions atmosphériques restantes, de 18 000 tonnes par année, ne sont tout de même pas négligeables et constituent encore une contribution aux pluies acides. Les retombées de SO2 sur les quartiers habités sont devenues rares et de faible importance en comparaison au passé. On n'entend plus parler du système de contrôle intermittent, mis en place dans les années 1970, par lequel la fonderie réduisait sa production lorsque les conditions atmosphériques faisaient en sorte que la fumée était rabattue sur les quartiers habités.
Les émissions de poussières représentent aujourd'hui 4 % de celles de 1978. Cela est associé à l'usine d'acide, qui comprend des équipements de dépoussiérage des gaz. Plus l'acide est pur, plus son prix est élevé. Cela amène une réduction des émissions de poussières toxiques : plomb, arsenic, cadmium, cuivre et autres. Dans le cas de l'arsenic (14,7 tonnes en 2017) et du plomb (88 tonnes en 2017), les émissions demeurent toutefois les plus importantes au Canada par rapport à des entreprises similaires. Des études récentes de la Santé publique du Québec indiquent que cela pourrait affecter la santé de la population, surtout du quartier Notre-Dame.
La modernisation de la fonderie par étapes entraîne également une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, ce qui est aujourd'hui un objectif nécessaire. Autre bénéfice, la compagnie s'est engagée dans la correction de certains dommages environnementaux qu'elle avait causés par le passé. Au début des années 1990, elle a décontaminé 568 terrains résidentiels du quartier Notre-Dame en remplaçant une couche de 10 cm de sol. Le plomb s'y était accumulé et constituait une menace pour la santé des enfants du quartier. Ce projet, réalisé en partenariat avec Rouyn-Noranda Ville et villages en santé, a été cité à l'international comme un exemple d'une compagnie qui corrige des dommages du passé.
Des bénéfices économiques significatifs résultant du maintien de la fonderie Horne
La fonderie Horne était au cœur de l'activité économique locale lors des débuts de Rouyn-Noranda. Aujourd'hui, elle en demeure un acteur majeur. La production de 210 000 tonnes d'anodes de cuivre par année représente une valeur de plus de deux milliards de dollars. Pour ce qui est de l'acide sulfurique, les 640 000 tonnes ont une valeur déclarée de 23 millions de dollars. Selon son directeur, la Fonderie Horne est le plus grand recycleur de matériel électronique des Amériques. Elle traite environ 100 000 tonnes par années, ce qui correspond à environ 17 % de son approvisionnement pour en récupérer, entre autres, le cuivre, l'or, l'argent, le platine et le palladium.
La fonderie Horne est devenue un meilleur citoyen corporatif
Avant sa décision de 1987 de construire l'usine d'acide, la Fonderie Horne manifestait une certaine arrogance et était de plus en plus en porte-à-faux par rapport à la communauté. Ses dirigeants manifestaient peu d'empathie pour les dommages à l'environnement et les inconvénients pour la population. Ils ont parfois cherché à les minimiser, à contredire les études scientifiques et à saper la crédibilité du mouvement environnemental. En décidant de garder la fonderie en activité pendant une longue période, possiblement des décennies, la compagnie devait améliorer ses relations avec la communauté, ce qu'elle a fait de différentes manières, dont voici quelques exemples.
Dans les années 1990, la compagnie a mis sur pied le Programme de partenariat communautaire, connu comme le Comité des Sages. En 2020, 661 580 $ ont été versés dans la communauté, incluant un soutien financier à 81 organismes et évènements. Des employés et gestionnaires font plus de 1 500 heures de bénévolat. Depuis 2007, la compagnie tient une journée annuelle « Opération recyclage » au cours de laquelle les citoyens peuvent apporter leurs appareils électroniques et électriques désuets pour qu'ils soient recyclés. Elle opère également un point de dépôt du matériel électronique. La fonderie contribue aussi à des recherches menées à l'UQAT. Par exemple, elle investit 500 000 $ en cinq ans dans une étude de l'Institut de recherche en mines et environnement pour établir la meilleure approche pour restaurer le parc à résidus miniers Quemont 2, de 102 hectares à proximité du milieu urbanisé.
La Fonderie Horne est le principal responsable du haut niveau de contamination du fond du lac Osisko, en plein centre-ville. Il y a tout lieu de penser qu'elle s'impliquera dans le projet de réhabilitation en cours sous la responsabilité du Collectif Territoire. La modernisation des procédés qui se poursuit aujourd'hui permet de penser que la fonderie poursuivra sa production longtemps après 2027, année qui marquera son centenaire.
Principales références bibliographiques
Aviseo Conseil. 6 décembre 2019. Étude d'impacts économiques du secteur de la transformation du cuivre au Québec, 76 p., étude produite pour Glencore Fonderie Horne.
Barrette, P. (2008). Noranda : from Murdoch to Pannell. Noranda : de Murdoch à Pannell. 144 p.
Fonderie Horne. 2020. Bulletin annuel de développement durable 2020, 16 p.
Glencore Fonderie Horne. https://www.fonderiehorne.ca/fr/Pages/home.aspx
Rivard, Julien. Décembre 1989. Étude sur les technologies permettant la récupération des gaz et des poussières provenant des convertisseurs dans les fonderies de cuivre dans le monde, École d'urbanisme, Université McGill, diffusé par le Comité permanent sur l'environnement à Rouyn-Noranda, 22 p.
Rivard, Julien. Décembre 1989. Analyse des normes québécoises de concentration d'anhydride sulfureux en comparaison avec les normes ailleurs dans le monde, École d'urbanisme, Université McGill, diffusé par le Comité permanent sur l'environnement à Rouyn-Noranda, 10 p.
Vachon, Jean-François. 17 septembre 2019. La fonderie Horne demeure le principal pollueur au Canada, dans Le Citoyen Rouyn-Noranda - La Sarre.
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