octobre 2020
Un petit débrouillard
Pierre Grandmaître
On pourrait dire qu'il était un enfant de la balle, puisque son père a joué un rôle important dans l'évolution de Rouyn-Noranda. Il a été élevé au sein des activités de la rue « Main ». C'était son chez lui, son lieu de rencontres, son terrain de jeux, son poste de rendez-vous, voire même son bureau d'affaires. Car il faisait des affaires, ce gamin de la rue nommé Pierre Grandmaître.
Je suis né le 20 décembre 1942, à Rouyn, au centre-ville. C'était vraiment le centre de toutes les activités, le point de rencontre de tous les gens arrivant de partout. Je vivais à travers tous les événements, toutes les animations. Le centre-ville était grandement occupé par les hôtels, dont l'hôtel Albert, le Frontenac, le Windsor et le Day's qui était voisin de chez nous.
Je me souviens d'un monsieur Roy qui vendait de la croûte pour le chauffage des maisons, comme le faisaient les Bisson. La croûte, c'est le dessus des billots que les moulins à scie enlèvent pour transformer le reste en planches. C'était très pratique et peu cher.
Dans le temps, on chauffait le poêle au bois et les vendeurs apportaient celui-ci dans des tombereaux tirés par des chevaux. Les rues étaient continuellement occupées par des voitures de toutes sortes, remplies de toutes sortes de choses à vendre. Le marché était là, tout près, en face de chez nous et il était ouvert toutes les fins de semaine. Je vivais au milieu de tout ça et, comme tout le monde, je trouvais les moyens de faire de I'argent. Je faisais des commissions pour les prostituées… Ce n'était pas très orthodoxe, mais dans ma conscience de gamin, I'argent n'ayant pas d'odeur, je n'avais pas l'impression de rendre service à du méchant monde. Ces filles étaient très gentilles pour moi et me comblaient de cadeaux à toutes occasions.
Elles me payaient si bien que je faisais de meilleures semaines que ma mère qui travaillait chez Bucovetsky pour 32,00 $. Je la doublais même, parfois.
J'allais à l'école Saint-Michel, à Rouyn, et dans le temps toutes les écoles avaient une patinoire. Durant les fins de semaine, nous avions droit au Forum chauffé pour débattre des parties de hockey inter-écoles : les élèves de Saint-Michel, de l'Immaculée-Conception et de Mazenod. Noranda faisait de même avec ses clubs scolaires anglais. C'était du hockey mineur.
Radio-Nord avait installé un poste de radio au Forum, et le samedi était réservé aux enfants. C'était moi qui commentais, en français, les parties de hockey qui se jouaient à Rouyn. La semaine suivante, c'était en anglais pour les joueurs de Noranda. Là, ce n'était pas moi qui commentais la partie, mais j'y étais et je faisais quand même les commerciaux en anglais. On me donnait un texte que je pratiquais d'avance et, durant les intermèdes, je faisais la promotion de produits ; les compagnies payaient pour ces annonces. Ces émissions étaient très populaires. Nous faisions en direct la description des matches, et tous les parents des jeunes étaient à l'écoute, guettant l'instant où on nommerait leur enfant à l'occasion d'un bon coup. Aussi, ça amenait plus de présences au Forum.
J'avais onze ans, à l'époque. Je grimpais au 3e étage du Forum, où l'on arrivait par un petit escalier. Il y avait là une petite fenêtre qui donnait sur la patinoire et par où on pouvait suivre la partie de hockey, et je décrivais à mesure ce qui se passait sur la patinoire. Je gagnais environ 3,00 $. C'était gros et je travaillais une heure par semaine. Après la partie, généralement, on se rendait à la fontaine du restaurant, au Kresge. Là, tous les gens étaient rassemblés et on commentait le dernier jeu. J'allais recevoir les compliments et… les sundaes qu'on me payait.
Le régisseur était Ernie Chartrand. Beaucoup plus tard, lorsqu'il a pris sa retraite de chef de pompiers de Rouyn-Noranda, j'étais devenu maire et je lui ai rappelé alors ce bon temps de notre jeunesse où il avait été mon premier patron.
L'anglais, je l'ai appris dans la rue ; il y avait tellement d'étrangers et j'avais un copain anglophone, Stephenko, dont le père était barbier dans l'édifice où se trouve actuellement la banque Toronto, en face du Kresge.
Le hockey était devenu très populaire, dans ce temps-là, et mon père, qui travaillait au Forum tous les soirs, était ami avec tous les gens du Forum et tous les joueurs qui y venaient. Aussi, très souvent après la partie, il en invitait six ou sept chez nous pour manger un spaghetti. Imaginez : le lendemain, à l'école, je pouvais dire aux copains qu'un tel et un tel était venu manger à la maison ; ça faisait des jaloux. Moi, je flottais d'aise. Je passais la plus grande partie de mon temps avec mon père, au Forum.
Que de souvenirs... Rolland Julien, qui passait le pain avec un cheval attelé à une voiture spéciale ; et monsieur Charron qui livrait le lait de la même manière. J'allais faire la livraison pour l'épicerie A & P avec les garçons Froment. C'était la mère qui s'occupait des affaires avec sa gang de gars. Elle répondait au téléphone : « Froment Délivraison… » C'est qu'elle parlait plus anglais que français, et alors Delivery, pour elle, ça faisait « Délivraison. » On la croyait veuve, mais c'était son mari qui était veuf… Dans les années 1960, elle fut nommée Femme d'affaires de l'Année pour tout le Canada.
J'étais l'unique garçon de la famille, et quand je voulais taquiner mes sœurs je disais : « Chez nous, il n'y a qu'un seul enfant et trois filles. » Mon père était d'Ottawa et ma mère, de Sainte-Thècle. La plus vieille de mes sœurs, Jocelyne, était trisomique ; elle faisait partie de la famille du centre-ville comme les autres. Tout le monde la connaissait et elle connaissait tout le monde. Nous l'avons gardée jusqu'à l'âge de 19 ans. Elle vit encore. Après avoir passé 44 ans dans un même foyer, elle en est à son troisième déménagement. Mais là elle est heureuse, chez une dame qui n'a que d'elle à s'occuper. Très sociable, elle a toujours aimé sortir et voir le monde. Tous les jours, après le passage du facteur, elle prend une marche de cinq kilomètres dans le rang où elle vit. Comme elle connaît tout le monde et que ce monde la connaît, elle prend leur courrier au chemin et va le leur porter à la maison. Ça la maintient en très grande forme. Elle ne s'ennuie pas, mais elle n'a pas oublié les gens de Rouyn-Noranda pour autant.
Lorsqu'elle était jeune, il nous arrivait de chercher notre sœur Jocelyne ; on s'inquiétait pour elle. Quand c'était l'heure du chapelet à la radio, alors qu'un groupe de personnes allaient réciter le chapelet au poste, si on portait attention on l'entendait un peu après les autres : « Je Vous salue Marie… ». On savait que c'était notre Jocelyne, qui participait bien sagement au chapelet.
Une dame Provencher tenait une maternelle dans l'École des Arts & Métiers, et comme je n'avais pas atteint mes six ans assez tôt pour aller à l'école régulière, j'étais allé chez madame Provencher. Mes sœurs aussi. Nous sommes tous passés dans la classe de Jocelyne, mais elle, elle y est demeurée six ans.
Le premier employeur de mon père, c'était Northern Telephone où il était contremaître. Mais si mon père était contremaître pour Northern Telephone, il était plus connu comme pompier volontaire. Installé à un coin de la rue Principale, il vendait des billets de loterie pour les pompiers. Il portait son costume de pompier et, dans ce temps-là, le costume, ça imposait.
C'était un personnage très coloré, un colosse d'homme qui avait le cœur gros comme ça. Il faisait beaucoup de bénévolat de par la ville. Il arrivait de Noranda à 5 heures p.m. à la maison, il soupait et, à 6 heures, il était au Forum de Rouyn. On peut dire que j'ai été élevé dans le Forum. Dans ses temps libres, mon père travaillait comme portier, vendait des billets à I'entrée. Ma mère aussi a souvent vendu des billets au guichet du Forum. Mon père veillait alors à la sécurité publique.
Une partie de son travail consistait à passer une semaine à faire l'inspection des lignes et poteaux téléphoniques. Il consolidait les poteaux, voyait aux lignes gênées par des branches et remplaçait les bouteilles isolantes défectueuses qui recouvraient les fiches de contact électriques installées au sommet des poteaux sur une barre transversale. Il partait le matin et se rendait jusque chez Marouf (relais). Il allait à Duparquet le lendemain et revenait faire la ligne de Macamic.
Et voilà qu'un jour, il nous revient avec un chevreuil qu'il avait tué. Ce n'était pourtant pas le temps de la chasse… Comment ça s'était passé ? Il paraît qu'il avait assommé l'animal. Dans ce temps-là, il y avait beaucoup de chevreuils dans les bois voisins. Mon père était très fort et la chose se pouvait facilement. C'était un grand et gros homme imposant. Il était invité dans les fêtes de paroisse pour faire des démonstrations de sa force. J'allais souvent avec lui.
Je me rappelle qu'il tenait un tuyau de cuivre dans sa bouche et le pliait. Ce n'était pas Victor Delamarre, le roi du temps, mais je vous dis que mon père était extraordinairement fort ! Et il était connu dans tous les villages des alentours : Mont-Brun, Cléricy, D'Alembert, Granada, etc.
En ville, lorsqu'il vendait des billets près du camion de pompiers, il arrivait que certaines gens le pompent (le prennent au défi) ; et alors il levait le camion. Pourtant, ni ma mère ni mon père ne m'ont donné la fessée qu'ils me promettaient toujours...
Mon père m'a beaucoup marqué par sa personnalité. Tout le monde I'aimait. Comme il travaillait pour la compagnie de téléphone, il avait accès à toutes les cours de la ville, ce qui faisait qu'il avait une autre source de bénévolat originale : il posait des poteaux de cordes à linge… Il ramassait les poteaux de téléphone brisés et les portait dans la cour de la compagnie, rue Saguenay, et lorsqu'une ménagère avait besoin d'une corde à linge, ça se disait de l'une à I'autre : « Si tu as besoin d'un poteau, demande à monsieur… », et bla ! bla ! bla ! Presque tout l'été, d'un jour à l'autre, on l'entendait répondre à ces dames : J'vais aller poser les poteaux de corde à linge ce soir. » Du bénévolat comme ça, maintenant, il ne s'en fait plus.
Mon père vendait des billets de sweepstake. C'était une loterie qui se faisait sur les courses en Irlande et ça fonctionnait ainsi : lorsque tu payais ta cotisation, mon père te donnait comme un reçu, mais ce n'était pas officiel. J'allais porter ce reçu en bicycle à ses clients. Il envoyait en Irlande une grosse enveloppe de tous les billets vendus, afin de prouver qu'ils étaient dans le tirage. Cette vente n'était pas légale, mais les lois du temps n'étaient pas aussi sévères que maintenant et on tolérait. Si quelqu'un gagnait, il n'était pas poursuivi. Mon père vendait aussi beaucoup d'autres sortes de billets de loterie pour les pompiers.
Cela m'avait donné une idée avec quelques petits gars de l'école. On voulait faire de l'argent et nous avions imprimé des billets. Pour le tirage nous avions acheté un missel de 3,00 $ chez Desjarlais, et nous avions fait 10,12 $. Certain que la maîtresse n'était pas au courant.
Dans mes bons souvenirs de jeunesse, il y a des fois où nous allions au chalet de Sabin Thibault, à Joannes, au pique-nique annuel des enfants de pompiers. C'était le clou de l'été. Il y avait des jeux pour nous, des compétitions, des friandises, des liqueurs, ça n'en finissait plus.
Voisin de chez nous était le terrain de monsieur Pelletier, agent de brasserie, et les adultes en profitaient.
Mon père ne s'obstinait pas avec nous et nous non plus. Quand je n'avais pas de bonnes notes à l'école, il cachait mes patins ; ça durait un mois, jusqu'à I'autre bulletin. Sa voix portait tellement !
Je me souviens que chez nous, la cave était en terre battue avec un solage en bois. Près de la fournaise, on se réfugiait quatre ou cinq petits gars pour fumer. Madame Beauregard, tout comme les autres locataires, mettait dans la cave ses pots de confiture. Nous y avons goûté, puis nous avons fumé. Je suis remonté malade, et quand je faisais ainsi de mauvais coups je disais à ma mère de ne pas le dire à mon père, mais elle me répétait :
– Oui, je vais le dire à ton père !
Quand il est revenu du travail, j'étais au lit et ma mère lui dit « Il est malade, il a fumé. Apprenant la chose, mon père a sorti son paquet de cigarettes « Sweet Caporal Plain », en me disant :
– Viens t'asseoir ici, mon p'tit gars, prends une cigarette.
– Non, non, p'pa !
– Prends une cigarette ! Tu veux fumer, on va fumer en hommes ; on ne se cachera pas.
Il m'en a fait fumer trois de suite. J'ai encore été malade. J'étais vert. J'ai été dompté. Je n'ai plus fumé avant vingt ans. Je vais toujours m'en souvenir.
Mon père avait l'air d'un Indien et les gens l'appelaient « Wabo ». Ça me chicotait, je n'aimais pas ça. Mais je viens de découvrir dans notre généalogie que mes grands-parents venaient de Kanawake. D'après les notes, ce serait des Mohawks. Alors…
En 1954, mon père a fait une crise de cœur et la compagnie de téléphone l'a changé d'emploi. Il a eu la charge de magasinier. Je prenais l'autobus et j'allais le voir sur la job, à Noranda. Nous allions ensemble au restaurant Margareth Rose, le rendez-vous de tout le personnel. On me gâtait…
Mon père s'était marié à 39 ans. Il avait 19 ans de plus que ma mère et il est décédé à 62 ans, alors que je n'avais que 13 ans. J'en ai toujours été profondément marqué, Ç'a été le drame de ma vie, cette disparition de mon père. La famille a dû être dispersée. Ma mère avait besoin d'aide sociale et, par mesure d'économie, disait-on, on devait placer les enfants. J'ai pris alors conscience comment les femmes pouvaient être exploitées, bafouées même. Il y avait toujours des inspecteurs, parmi lesquels certains pas très, très catholiques se cherchaient quelques petites mères à inspecter… Ç'a été le côté noir de mon enfance.
J'allais alors à l'école Saint-Michel, mais j'ai été envoyé à Joliette, chez les Clercs de Saint-Viateur, dès septembre. Jocelyne a été placée dans un foyer et Lise, à l'École Normale de Ville-Marie. Diane a eu un meilleur sort que moi : elle est demeurée, par ici et elle a été choyée à I'orphelinat. Je conserve précieusement une lettre qu'elle m'avait envoyée à ce temps et que je cite plus loin. Pour elle, ç'a été un temps merveilleux.
La mort de mon père a été la période la plus sombre de toute ma vie. Autrefois élevé librement dans la rue, au centre-ville, au milieu de tout ce va-et-vient plein de vie, et partir de Rouyn pour aller à Joliette…
Quand je suis arrivé à Joliette, je n'ai pas été capable de jouer une seule partie de hockey. Pourtant, il y avait un frère qui m'avait entraîné. Lors d'une partie importante, je voulais participer et, pour les convaincre de me prendre, je disais : « Demandez à ma mère. Mais on me répondait que je ne dépendais plus d'elle. Je n'ai pas pu jouer.
À Joliette, j'ai déserté sept fois. Je devais y demeurer jusqu'à 18 ans, mais je suis revenu à Rouyn dès l'âge de 15 ans, après avoir erré dans Montréal. Ç'a été la dernière fois. Je suis revenu à la maison, mais ma mère qui travaillait chez Bucovetsky ne pouvait me garder. Qu'importe, je ne retournerais plus « par en bas ». Je comptais bien me trouver de quoi vivre, et elle a repris le loyer que nous avions du temps de la famille. On a alors menacé ma mère de lui couper les subsides parce que je vivais avec elle ; mais j'étais à même de prouver que je ne vivais pas à ses crochets. De fait, je gagnais plus d'argent qu'elle.
Lorsque j'étais revenu trouver ma mère, j'avais tâché de retourner à l'école des C.S.V. J'y avais fait deux semaines, mais ça n'avait pas fonctionné. Alors je suis allé à l'école Mazenod, chez les Frères du Sacré-Cœur, à Rouyn-Sud, et je n'ai jamais eu de problèmes avec eux. J'avais fait ma 10e année et suivi le cours commercial. Par ici, j'ai refait ma 10e et fait ma 11e. J'avais déjà travaillé à la voirie durant des vacances, et j'y suis retourné à temps plein. J'ai fait de I'arpentage et, même si ce n'était pas ma « branche » j'ai fini par savoir en gros comment faire les calculs exigés par ces travaux. Même si je n'étais pas ingénieur, je savais…
On travaillait dans les rangs qui appartenaient à la colonisation et il se faisait des transferts de la colonisation à la voirie. On avait ainsi tant de kilomètres par année à prendre en charge. Il s'agissait de prendre les chemins de terre et de les faire en gravier. On nous donnait un budget pour refaire ces rangs de colonisation. J'ai fait ça pas mal tout le temps que j'ai été à la voirie, à Mont-Brun, Montbeillard, etc. Je connaissais tous les gens et ces gens avaient tous connu mon père à I'occasion de démonstrations de force lors de certaines festivités.
J'ai aussi été chez Petrofina (devenu Petro-Canada). J'étais engagé comme commis de bureau au bureau de district, puis j'ai continué comme représentant. J'ai fait cela de 1966 à 1970. Depuis la mort de mon père, j'ai travaillé tous les étés. Il fallait avoir 16 ans alors, mais monsieur Gervais, qui était patron sur la voirie, m'avait fait entrer là.
– Quel âge as-tu ?
– Seize ans.
J'étais petit et maigre. Il n'a pas bronché. Cependant, la troisième année, j'étais content d'être à même de dire que j'avais 16 ans.
J'ai toujours travaillé et j'apportais l'argent chez nous, et je ne coûtais pas cher. Puis j'ai fait ma vie, j'ai fondé une famille et j'ai tenu le poste d'essence Spur, coin Larivière et Rhéaume. Je connaissais tout le monde, j'étais dans toutes les associations sportives : hockey, balle, etc., et je travaillais 18 heures par jour. Il y avait alors 29 stations d'essence. Mon prédécesseur avait vendu 140 000 gallons d'essence dans un an ; moi, dès la première année, j'en ai vendu 400 000 gallons.
Ma clientèle, en général, je la rencontrais dans les associations. C'étaient des amis, alors, ils venaient s'approvisionner chez moi. C'était un poste bien situé et, pendant vingt ans, j'ai pu vendre un million de gallons d'essence par année. C'était une belle récompense.
En 1971, je m'étais présenté à la mairie et j'ai été élu conseiller durant deux termes. Puis, en 1994, j'ai été élu maire et reporté au pouvoir par acclamation pour un autre terme. Je me suis toujours senti en amour avec Rouyn-Noranda. J'étais politicien sans être politique. Je ne comptais pas de mensonge et, quand ça n'allait pas bien, je disais que ça n'allait pas bien, même si l'on me conseillait de ne pas le dire. Pour moi, c'était la vérité qui comptait. Les gens sont capables de deviner quand ça ne va pas bien. Je faisais une émission de télévision et je disais à mes gens : « soyez patients, on va tâcher de trouver le moyen de réussir. »
J'avais un projet en tête que je n'ai pas eu le temps d'accomplir. Je rêvais qu'une piscine serait à nouveau installée au bénéfice de nos enfants. En tous cas, j'ai fait mon possible et je crois que si je me représentais, je serais élu.
Le premier soir de mon élection en tant que conseiller, Robert Lavoie m'avait dit : « Le père, en haut, doit être bien Fier ». Oh Wouah ! Les larmes ont jailli aussitôt, car j'y pensais aussi… et j'y pense toujours.
Voici la lettre de ma sœur Diane qui, lors de la dispersion de la famille, fut recueillie par l'Orphelinat Saint-Michel dirigé par les Sœurs de Notre-Dame-Auxiliatrice, à Rouyn-Noranda, où elle fut choyée :
Orphelinat Notre-Dame, le 17 nov. 1956
Cher Pierre,
Voilà de nouveau ta petite sœur qui te donne des nouvelles intéressantes. Ça va encore très bien ici, mais des fois je me dis que j'aimerais bien me voir chez nous. Je couche au ras de la fenêtre, et j'ai peur quand vient le temps d'aller me coucher. Je dis des « Je vous salue, Marie » et des invocations à la Sainte Vierge pour ne pas avoir peur.
Prie beaucoup pour le Canada, parce que les Russes veulent le détruire ; ils sont après détruire les petits Hongrois qui meurent de faim et de soif.
L'autre fois, c'était un dimanche, j'ai été au hockey avec maman et, après, nous avons été soupés chez Margaret Rose, à Noranda. Elle m'a donné trois barres de chocolat, une petite boîte avec un chocolat et une cerise dedans, un grand bonbon (c'est comme un « life saver », mais c'est du chocolat), deux paquets de « peanuts », six « life savers », deux paquets de gomme. Elle m'a donné toutes sortes d'affaires pas pareilles. Je suis gâtée toujours de plus en plus.
Une autre fois, pendant les vacances de la Toussaint, j'ai été au magasin, en bas. Il y avait un garçon qui s'appelait Charrette et il m'a donné 14 ballounes.
Prie beaucoup pour Bibiane. Elle a la picote. Es-tu content de déménager en haut où restait M. Baudet ? Maman est très contente. Prie pour que j'arrive première, sinon ils vont dire : « Pierre est bon en classe, et Diane ne vaut pas la peine. » Je suis arrivée 8e, au dernier mois.
Je crois que c'est tout pour aujourd'hui.
De ta petite sœur qui pense à toi de la première seconde à la dernière.
Bonjour. [Suit une liste de 17 baisers.]
En 1994, Pierre Grandmaître succédera comme maire de Rouyn-Noranda à Gilles Cloutier, en fonction de 1990 à 1994. Premier maire à temps plein, il occupera ce poste jusqu'en 2001 alors qu’il démissionne avant la fin de son deuxième mandat. C’est le maire suppléant, Gérald Lévesque, qui le remplacera jusqu’en 2002.
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