juillet 2020

L'armée dans nos rues

Jonathan Barrette

Introduction

Quelquefois, nous croisons ces véhicules ou ces soldats au centre-ville, faisant partie du paysage, sans savoir la raison de leur existence ou de leur présence ici. Et pourtant, ils y sont depuis bon nombre d'années, et ont laissé plusieurs traces en notre cité. Nous remonterons donc le temps, nous emmenant à la genèse du 9" escadron du Génie de Campagne, tel qu'on le connaît, puis des bâtiments qu'il a occupé et des ouvrages qu'il nous a laissé, tels que les manèges, le Remembrance House, la Légion, les logements des vétérans, le cénotaphe et d'autres ouvrages.

Histoire du 9e escadron du génie de campagne

Au début de la seconde guerre mondiale, le colonel C.E. Bent qui est, à l'époque, ingénieur municipal de Noranda, fait des pressions afin de constituer une unité locale de l'armée, sans avoir l'autorisation formelle du quartier général de l'armée à Ottawa. Cependant, dans le but de favoriser son accord, il crée le 13 juin 1939 un corps de constables spéciaux, ayant pour but d'aider la police à défendre la ville contre d'éventuels vols d'or, d'actes de sabotage ou de révoltes. Elle portera le nom de « Northwest Quebec Home Defense Unit », sans pouvoir militaire, ni armes, ni rémunération, pour comprendre près de 800 éléments. Le 4 juin 1940, 11 est d'ailleurs discuté entre l'Association des vétérans de Rouyn-Noranda et les chefs de police locaux afin de discuter des mesures à prendre contre tout acte de sabotage.

Ottawa donne finalement son accord à ce que l'unité soit partie intégrante de l'armée canadienne. Le ler janvier 1940, l'unité est officialisée sous le nom de « 3rd Pioneer Batallion », pour être fondée véritablement le 1er août 1940. Le quartier général se situe à Noranda, avec une compagnie à Noranda même et une autre à Arntfield. Dès ses débuts, il semble qu'elle ait occupé la patinoire de Noranda. Le Colonel C.E. Bent devient officiellement le lendemain son premier commandant. Près d'un an plus tard, Ottawa change le nom de l'unité pour « 3rd (Reserve) Batallion R.C.E », le 15 mai 1941. C'est le 30 avril de la même année que le 3rd Res Bn RCE se fait connaître par sa première démonstration publique, soit un exercice de combat à la baïonnette. Le 16 octobre, l'unité mécanisée de l'armée, composée à Noranda. Durant la guerre, plusieurs de ses membres firent bonne figure à Gibraltar, et d'autres tombèrent au front.

Entre 1949 et 1994,le 3rd (Res) Bn RCE change de nom à trois reprises. Tout d'abord, il porte le nom de 18th Field Company RCE en 1946. En 1947, ll devient le 9th Field Squadron RCE. En 1949,|e 9th Field Sqn RCE change de nom pour le 9th Independant Field Sqn RCE. En 1953-54, l'unité est renommée le 9th Field Squadron RCE (Milicia). Par la suite, peu de données sont rapportées. En 1976, l'unité devient francophone et porte le nom du 9e Escadron de génie de campagne (Milice). En mars 2004, une centaine de soldats équipés d'une trentaine de véhicules militaires sont présents dans la région. Ils prennent part à l'exercice «Sapeur audacieux», de combat d'infanterie et de génie à partir de scénarios et d'activités se déroulant autant en milieu urbain que rural, tels que la patrouille en véhicule et à pied, la sécurité d'un bâtiment et l'établissement d'un poste de contrôles. Du 23 au 25 septembre 2005, il s'agit de l'opération « Sapeur Réveillé », dans le secteur de D'Alembert, était une révision des techniques de construction de ponceaux.

Membres du 39e Pioneer RCF, O'Biren Platoon de Cadillac, 1941. Société d'histoire de Val-d'Or.

Les Manèges

Un premier manège aurait pris place au 108, Dallaire, là où se sont trouvés la salle ukrainienne et le Centre familial, durant la Deuxième Guerre mondiale, pour le régiment de Hull. Il n'aurait cependant pas appartenu à l'armée'. Par la suite, le Canadian Corps, sur la 7e rue, aurait servi à son tour de manège. C'est en 1950 que l'unité occupe ses nouveaux quartiers au 113, 7e rue. Il est noté que le 10 décembre 1959, un nouveau manège militaire et acquis pour y emménager en 1960 au 120 9e Rue. Le bâtiment a été érigé en 1938 et a été la première église Blessed Sacrament en 1947. Il a été occupé par l'armée jusqu'en 1989. Il s'agit aujourd'hui du Centre chrétien évangélique. C'est en mai de la même année, qu'ils se retrouvent dans leurs locaux actuels, dans l'ancien bureau de poste de Rouyn, sur la rue Perreault. Dans les mêmes manèges étaient basés les Cadets de l'air. L'escadrille 636 des Cadets de l'air de Rouyn-Noranda a été fondée le 9 janvier 1957, pour les 13 à 18 ans. On y apprend depuis la navigation, la météorologie, de même qu'on y participe à des concours de tir et à une fanfare. Aussi, l'escadrille participe à des compétitions sportives régionales, des camps d'été et bien sûr, des vols en avion et en hélicoptère.

La Remembrance House

La Remembrance House, connu aussi sous le nom de Canadian Corps, car s'y trouvait la 7 e branche du Canadian Corps, a été inaugurée le 11 novembre 1948, jour de l'armistice. Elle a été nommée ainsi en l'honneur des soldats de la communauté qui sont allés au front ou qui y sont tombés. On y retrouvait d'ailleurs un « Memorial Lobby », dédié à 81 hommes tués à la guerre. Auparavant, un groupement de vétérans s'était constitué informellement dès 1931, pour vendre des œillets. Puis, en 1934, ils décident de devenir une organisation permanente, la Nortlrwestern Quebec Veterans Association. Leurs réunions se tenaient au sous-sol de l'école primaire de Noranda. Ils débutèrent leurs activités par un banquet au Broadway Café, sur la rue Carter, dans ce qui fut le local des Moose, probablement aujourd'hui le bar El Paso. Aussi, par une parade le 1'' juillet, le Field Day pour les enfants de la communauté, qui sera répétée à chaque année. C'est en 1941 qu'ils s'affilient et deviennent la septième branche du Canadian Corps Association. Juste avant sa construction, leurs quartiers généraux auraient été situés sur la 8e rue.

Outre les quartiers généraux de l'association, l'endroit servait à des activités sociales servant à financer l'association, tout comme de centre communautaire pour le reste de la communauté. Un auditorium avec cantine pouvait être loué par n'importe quelle organisation. On y retrouvait des quilles, du crible, des bingos et des danses qui se tenaient à chaque samedi soir. Par exemple, le Italo-Canadian Club aurait ponctuellement loué l'endroit, tout comme le Polish Hall. L'endroit a été vendu par la Remembrance Land Company Limited à la troupe les Zybrides en 2001, qui deviendra le théâtre qu'on connaît. Ces activités servaient aussi à financer le programme des cadets de la marine « HMCS Rouanda ». Commandité par le Canadian Corps Association, ce corps de cadets a été fondé à l'automne 1962. Lors de leurs exercices, « les parties de la bâtisse deviennent alors parties d'un bateau (...). Les Cadets étudient la navigation, systèmes de communications de même que le travail d'un bateau » Pendant les premières années de leur existence, le Corps possédait un baleinier de 27 pieds, qui oeuvrait sur le lac Osisko. Les cadets s'y sont pratiqués jusqu'en 1999. Ils sont allés par la suite au sous-sol de l'église Notre-Dame-de-Protection, pour y revenir à nouveau en 2009. Ils y pratiquent « de la navigation, de la survie sur l'eau et en forêt, du tir, des premiers soins, de la réparation de voilier et de moteur, de la plongée sous-marine, du vol en hélicoptère, des voyages, des séjours dans des camps d'été partout au Canada et même à l'extérieur du pays, etc. ».

Le bureau de poste de Rouyn au coin de la rue Perreault Est et de l'avenue du Portage, fin des années 1930. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Rouyn-Noranda.

La légion

La Légion aurait été fondée en 1946. Elle occupait alors le haut de ce qui est aujourd'hui le Sushi shop, au 139, avenue Principale. C'est la Légion qui aurait fait construire le bâtiment actuel en 1952, qui fut leur local jusqu'en 2006, puis la salle de réception La Légion, du restaurant O Poulet. L'organisme servait, par le biais de ses activités, à aider les anciens combattants. Il pouvait y avoir des danses, des soupers, un service de bar, des parties d'huîtres, de crible, de floune et de homard. Elle aurait compté jusqu'à 300 membres.

Les logements des vétérans

L'inauguration des premiers logements s'est produite le 19 juin 1950, des duplex construits par la Société Centrale d'Hypothèque et de Logement. La cérémonie s'est produite en présence du maire de l'époque, Maurice Caouette. Les premiers à en bénéficier furent J.-L. Lauzon, Roland Côté, N.-I. Ouellette et A.-D. Provencher. Le premier bâtiment érigé se trouve au coin des rues Wolfe et Montréal, les autres étant entre les rues Pinder et Montréal. Les duplex comprennent quatre loyers, deux à chaque étage de cinq pièces, avec salle de bains. Les loyers étaient constitués d'un salon, d'une cuisinette, de la salle de bains et de trois chambres. Dix blocs ont été construits, pour contenir 40 logements en tout, tous dans le même secteur. Deux blocs auraient été construits en 1948 et le reste en 1950.

Le cénotaphe

Lors d'une cérémonie à l'église Notre-Dame-de-Protection le 9 novembre 1944, le Bataillon rend hommage aux soldats morts au combat. Ce geste est répété depuis, à chaque année, en face du palais de justice lors du jour du souvenir, ainsi qu'au cimetière Notre-Dame. Puis en 1955, les 130 membres du 9th Field Sqn (M) contribuent à l'installation du cénotaphe pour commémorer la mort des soldats au champ d'honneur. Il aurait été taillé par Albini Lacroix. Étant à gauche du Palais de Justice, il aurait été déplacé pour faire place au stationnement. Selon un autre témoin, il aurait été auparavant sur le bord du lac.


Cérémonie pour célébrer la Victoire le 8 mai 1945 sur la 9e Rue à Noranda. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Rouyn-Noranda.

Les différents ouvrages

En 1984, le 9e escadron est demandé pour déboiser une partie du mont Kanasuta, afin d'y aménager une piste de ski alpin. Après la finition de la piste, le propriétaire du mont Kanasuta donne le libre choix du nom que le 9e voudrait lui attribuer. À l'unanimité, le major Émile Rocheleau, commandant de l'escadron à ce moment-là, demande de la baptiser « Chimo » qui est le cri de ralliement des ingénieurs militaires canadiens. Depuis ce jour, la piste de ski porte ce nom. En 1990, 10 sapeurs du 9e EG et 12 sapeurs du 5e RGC terminent une passerelle dans le parc d'Aiguebelle. Le 5 juillet, la passerelle est terminée et est nommée << La passerelle piétonnière UBIQUE » qui se lit « Ubiquoué », mot latin reprenant la devise du génie militaire canadien : « partout à la fois ». D'ailleurs, en octobre 2003, afin de souligner le centenaire du Génie militaire canadien, le 9" escadron de Génie a construit des ponts pour le Sentier transcanadien et la Route Verte, à Destor, d'une longueur de 15 m et d'une capacité de 35 tonnes. Enfin, en 2009, l'escadron de Génie a procédé au démantèlement du panneau réflecteur et à la construction de l'observatoire des collines Kékéko.

La passerelle construite par le 9" Escadron du Génie dans le parc national d'Aiguebelle.

Conclusion

Comme nous avons pu le voir, l'armée est présente dans nos rues depuis un bon moment déjà, marquant leur présence sur le territoire par l'i ntermédiaire de plusieurs bâtiments, dont certains font partie de notre patrimoine bâti, de monuments ou d'ouvrages d'ingénierie. Ils ont fait partie de la vie de nombreux jeunes hommes et jeunes femmes avec les cadets de l'air et de la marine. Et l'histoire ne fait que continuer...

Cet article a éré publié à l'origine dans Le Babillard, vol. 6, no. 1, février 2010

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