août 2020
Le Rouyn-Noranda by night d'hier et d'aujourd'hui
Jonathan Barrette
Depuis la fondation de la ville en 1926, bien des établissements ont y tenu pignon sur rue. Rouyn-Noranda, particulièrement le quartier de Rouyn, faisait preuve d'une vitalité et d'une effervescence rarement vue ailleurs dans la province. De nombreux immigrés y travaillaient et y faisaient commerce. La nuit, bon nombre d'hôtels, qui comprenaient à leur rez-de-chaussée un débit de boissons, fonctionnaient à plein régime. Jusqu'au début des années 1960, au moment où les activités minières des environs ont commencé à ralentir sérieusement, plusieurs habitants ont dû quitter vers le Nord de l'Ontario. Depuis, les habitants se sont assagis et la plupart de ces établissements ont fermé. Mais il demeure encore quelques représentants de cette époque révolue, qui ont continué sous la même enseigne, ont changé de nom ou ont conservé en partie leur fonction originelle. C'est le cas par exemple du bar Union, de la Taverne des Sports, de l'Hôtel Albert, du bar National et de l'Auberge des gouverneurs. Nous allons donc ici faire un portrait de l'histoire de ces commerces, ponctuée d'anecdotes et de photographies d'époque. À votre santé !
Le bar Union
Connu originellement sous le nom d'Hôtel Union, on le retrouve dès les premiers balbutiements de la ville, vers 1929. De 1928 à 1939, le propriétaire du site était Arthur Rondeau; de 1945 à 1962, J. Émile Bertrand, N. Blanchette et J. Plantes. En 1955, il semble que le bâtiment ait été rénové à la suite d'un incendie. L'endroit fut racheté par Eddy Whissell, alors que le bâtiment avait été condamné et fermé auparavant. Par la suite, il fut rénové d'année en année. Il était fréquenté à ses débuts par de nombreux bûcherons et foreurs, de même que par plusieurs « femmes de vie ». Il y aurait un salon de coiffure dans l'établissement depuis les années 1950.
La Taverne des sports
Ce haut lieu des sports a été érigé par un populaire joueur de hockey et dirigeant de l'époque, Anselme (Sam) Lajoie, en 19507. En 1951, on voit que le propriétaire était Rolland Roy. L'endroit était le lieu de réunion favori des joueurs des Éclairs de Rouyn après leurs parties. Pierre Laflamme a aussi été propriétaire de l'endroit par la suite de 1964 à 1975. Pierre Gaudet en prend possession à son tour, où il agrandit l'établissement l'année suivante, au rez-de-chaussée, sur la rue Principale. Le propriétaire actuel, Michel Groleau, détient l'endroit depuis 1987. C'est en 2003 que le salon de coiffure, le Salon Noranda, a pris place dans le bâtiment. Plusieurs personnalités connues, notamment des athlètes, comme Réjean Houle, Pierre et Sylvain Turgeon, Yvon Lambert et Éric Lucas sont passées par ici.
L'Hôtel Albert
L'Hôtel Albert, du nom d'Albert Coutu, a été établi en 1934-1935. On y retrouvait trois étages sur le devant, avec une dizaine de chambres disponibles, qui passeront à près de quarante. C'est après l'élection du député Nil-Étie Larivière, en 193 5'', que l'établissement obtient son permis d'alcool. À l'époque, une bouteille de bière se vendait à 0,35 $, un repas, 0,30 S et une chambre, de 4,00 à 5,00 S. Il semble avoir été l'établissement le plus populaire, notamment pour les pompiers de Rouyn qui y ont tenu leurs soupers et danses annuels pendant près de vingt ans, tout comme pour les travailleurs de la CIP. Son Maroon Lounge, décoré par M. Besner, de l'École des Arts et Métiers de Rouyn, était populaire pour ses spectacles. Il aurait fermé entre 1988 et 1993. Selon un autre informateur, il existait au moins en 1952 et aurait fermé avant 1982. Un des artistes qui y est passé a tellement aimé la ville qu'il aurait appelé sa fille Rouyn-Noranda! Des grands noms tels que René Angélil, Alys Robi et les Jérolas s'y sont produits. C'était aussi le lieu d'hébergement principal et le plus central de la ville.
L'événement qui a probablement marqué le plus les mémoires de l'Hôtel Albert est le fameux incendie de la nuit du 11 au 12 novembre 1938, qui a occasionné le décès de sept personnes, de même que décimé l'hôtel même, le garage Regaudie (Citi Financière), l'épicerie Bastien, les deux magasins Ansara, abîmé l'Hôtel Windsor (Mlle Sous-marine, Dépanneur Variétés centre-ville) et l'Hôtel Commercial (Chez Gaspard), jusqu'à la quincaillerie Reilly (Pizzédélic) et à l'arrière sur l'avenue Horne, soit entre le 78 et le 124 Principale. Néanmoins, il sera reconstruit aussitôt, pour être inauguré en grandes pompes le 30 octobre 1939, où seront présentes 500 personnes pour « l'ouverture du plus luxueux hôtel de l'Ouest québécois ».
L'autre événement qui aura sensiblement marqué les lieux est le célèbre ouragan du 24 juillet 1945, qui aura dévasté la région. L'intensité du sinistre est telle qu'un madrier du toit s'est retrouvé en face, à l'Hôtel Windsor, où il a fracassé une vitre pour atterrir dans une chambre. L'homme qui y était en train de se raser, un ancien aviateur, a sûrement cru à un bombardement! L'endroit sera à nouveau agrandi en 1946, par la maison Plante Construction, pour monter à 117 chambres. La salle Chez Gaspard a quant à elle été en opération de 197 5 à 1985, sous Eddy Courchesne. René Bibeau a été aussi propriétaire de l'hôtel de 1985 à 199321, pour le rénover et aujourd'hui Marc Brûlé en est le possesseur depuis 2003.
Le bar National
L'Hôtel National, tel que nommé à ses débuts, fut fondé par Oscar et Joseph Sigouin au mois d'octobre 1924, comprenant 20 chambres, réparties sur trois étages .Il est noté qu'une extension allait être ajoutée en 1927, par l'ajout de quinze chambres, en faisant l'un des lieux les plus populaires de la ville. Le tout a été réalisé par M. Arthur Ménard, entrepreneur et échevin. Il y coûtait 1,50 $ par soir et 7,00 $ pour une semaine d'hébergement, tout en bénéficiant d'un transport gratuit de la gare à l'hôtel! À l'époque, il est surprenant d'y retrouver que cet hôtel est « un des rares à Rouyn muni d'une chambre de bain avec eau froide et chaude »!
C'est en 1937 qu'il sera recouvert de briques, par M. Attilio Comisso, entrepreneur-maçon, tout comme il sera agrandi de dix nouvelles chambres, pour un total de soixante-dix. Pendant longtemps, ce seront les enfants de M. Sigouin qui seront propriétaires de l'endroit. pour passer aux mains d'Eddy Whissell, père du propriétaire actuel. C'est depuis 1997 environ que le commerce Couture magique occupe le bâtiment. Cet édifice fait partie de la liste des bâtiments répertoriés, mais non évalués, de l'inventaire du patrimoine bâti de la Ville. L'événement qui a probablement marqué le plus la mémoire de l'institution est malheureusement sordide. En effet, au début des années 1990, un homme y a tué un autre à coup de queue de billard.
Auberge des Gouverneurs
Pendant longtemps, l'endroit a été connu pour être le siège de l'Hôtel Noranda, qui aura été construit en 1928. S'y sont tenus bon nombre de danses, banquets et événements sociaux divers. Ce fut aussi « le plus grand et le plus luxueux hôtel du Nord-Ouest québécois ». Il fut d'ailleurs l'hôte du gouverneur-général du Canada, Lord Willington et de son épouse, en août 1930, qui furent conviés à un banquet en leur honneur. De 1964 à 1969, Milosh Chorich était à sa tête. La famille Dumont aurait tenu l'endroit de 1969 à 1993. C'est à partir de ce moment que l'établissement est rénové (reconstruction des trois étages et agrandissement au sol), pour devenir l'Auberge des gouverneurs Le Noranda, qui est aujourd'hui entre les mains de Marc Brûlé depuis 199844. Seule une partie du rez-de-chaussée a été conservée. C'est en 2003 que le Relais spa santé prend la place du Mercedes Dance Club, qui aura duré depuis 2000. À ut e certaine époque, en 1953, on y retrouvait aussi la tabagie Cascade shop et la Royal Bank of Canada.
Durant son enfance, l'endroit aura été salutaire pour Jean-Guy Cotnoir fondateur de Cotnoir Transport. En effet, environ entre 1941 et 1943, alors qu'il était enfant et que son père était trop malade pour travailler, il allait chercher avec une brouette les restants de la cuisine de l'hôtel pour les rapporter à la famille. Le tout se faisait avec la recommandation du vicaire de la paroisse, à chaque soir à vingt heures, lorsque la salle à manger était fermée et les derniers clients partis.
Conclusion
Les exemples présents ne sont qu'un pâle échantillon de la vie nocturne qui se déroulait à Rouyn-Noranda, puisqu'il y avait environ vingt hôtels qui y opéraient en même temps ! Sans parler des activités illicites qui se pratiquaient le long de la Lakeshore, qui est l'avenue du Lac maintenant. En effet, on y retrouvait le Red Light de la ville, avec ses débits de boissons clandestins, ses maisons closes et ses maisons de jeux. De quoi tenir occupées les autorités policières ! Ces établissements ont été les témoins de l'histoire de la Ville, ont vécu au rythme de l'économie et de sa population. Il en de même aujourd'hui. Qui sait, après tant d'années, pourrons-nous en dire autant sur ceux-ci dans cinquante ans encore ?
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