octobre 2020
Les groupes ethniques de Rouyn-Noranda et leurs lieux de rassemblement
Jonathan Barrette
Jusque dans le début des années 1960, avec la fermeture de la plupart des mines des environs, le portrait ethnique de Rouyn-Noranda était carrément différent de ce qu'il est aujourd'hui. En effet, les mines attiraient beaucoup de travailleurs, nombre d'entre eux provenant d'Europe de l'Est, d'Allemagne, d'Italie, de Yougoslavie, du Liban, etc. Évidemment, ils avaient tendance à se regrouper entre eux, pour profiter de toutes sortes d'activités liées à leur pays d'origine, de même que de cours donnés à leurs enfants, pour conserver leur culture. Nous verrons d'ailleurs ici les salles connues qui appartenaient à divers groupes ethniques de Rouyn-Noranda, leur localisation, leur durée, leurs activités et leur utilisation ultérieure. Bon séjour chez les Fros!
Salle ukrainienne
La première salle ukrainienne était sise au 16, rue Taschereau Est, où se trouve aujourd'hui un immeuble à logement. Dès 1930, le site appartenait à des Ukrainiens. On note en 1932 qu'environ 400 communistes se sont réunis dans la salle ukrainienne pour organiser une parade, réunion qui a été interrompue dans le sang par la police. Elle aurait été active à cet endroit jusqu'en 1935, à la suite de la grève de la mine Noranda, car les membres qui le fréquentaient étaient surtout d'obédience socialiste. Une autre informatrice la voyait pour un court temps sur la 9e rue, dans un « shack » servant de salle pour le chœur et l'orchestre. Le site a été détenu par Stanley Wrubleski, nom d'origine ukrainienne, de 1933 à 1937.
La deuxième salle, la plus connue, était au 108, avenue Dallaire (anciennement Bagshaw), dans ce qui fut le Centre familial. Elle aurait été bâtie dans les années 1930, servant de lieu de culte aux catholiques francophones, avant que soit construite l'église Saint-Joseph. Selon une informatrice, le début de la construction se serait faite en 1939, ou entre 1936 et te début des années 1940. Les Ukrainiens ont possédé le site en 1939. Le manège militaire s'y est aussi retrouvé. À cet endroit, le sous-sol a servi à ses débuts pour la célébration de la messe, tandis que le rez-de-chaussée servait de salle communautaire, pour des concerts et des fêtes. Il y avait aussi une chorale, des cours de langue, de danse folklorique et des messes une fois par mois données par un prêtre provenant de Kirkland Lake. C'est en 1971 que le Centre familial y a élu domicile, pour en être propriétaire en 1982, jusqu'à la fin 2005. Le bâtiment fait partie de la liste des bâtiments évalués du patrimoine bâti de la ville, avec la cote de C.
SALLE FINLANDAISE
Les Finlandais des deux villes se rassemblaient au 20, rue Mgr Tessier Ouest (anciennement rue Noranda). On y faisait entre autres des danses et des concerts. Selon un témoignage, le club finlandais aurait débuté dans les années 1920, pour fermer à la fin des années 1940. En 1938-1939, la salle aurait servi encore, ses membres étant partis durant la Deuxième Guerre mondiale. Avant 1941, le lieu leur aurait été retiré par le gouvernement fédéral, car l'organisation fut déclarée hors-la-loi. Peut-être est-ce dû à l'affiliation membres. L'organisme vend le lieu en 1947. Il fut aussi le local de la Légion, de 1951 à 2006, puis la salle de réception « La Légion », du restaurant O Poulet. On y retrouve ailleurs que c'est la Légion qui aurait fait construire le bâtiment actuel en 1952.
Salle Allemande
Nous savons peu de choses sur cette salle, le German Hall, sinon qu'elle se trouvait au sous-sol du 146, 8e rue. Ce bâtiment a été construit en 1934, tel qu'on peut le voir en haut de la façade, sous le nom de Princess Hôtel, selon les plans d'architectes et d'ingénieurs de la compagnie Noranda.
Dans les années 1950, selon un informateur, un German Club était en fonction, alors que 800 célibataires allemands travaillaient à contrat pour deux ans pour les mines environnantes. On y faisait entres autres des danses et des bazars, des bals masqués, des cours de langue et on y jouait au jeu de cartes, le « Skat ». On peut relever qu'il existait un club allemand (German Club) en 1956, présent au sous-sol du 22, avenue Principale, à L'Hôtel Radio, maintenant près Tim Hortons. Aussi, il est noté qu'entre 1962 et 1978 a existé la German-Canadian Association Fortuna of Noranda.
Par la suite, la Bourse de Toronto, puis un commerce de bicyclettes ont pris le relais, pour redevenir un bar en 1982, le Cabaret de la Dernière Chance. Ce nom est redevable au titre d'un roman de Jack London, témoin de la ruée vers l'or. On voit aussi en 1977 que le Club de l'âge d'or de Noranda occupait le sous-sol. L'établissement actuel fait partie de la liste des bâtiments évalués du patrimoine bâti de la ville, avec la cote A-.
Salle Croate
Celle-ci était située au 124, 9e rue, où se trouve aujourd'hui un immeuble à logements, à côté du Centre chrétien évangélique. Il est noté ailleurs en 1939 et en 1940 qu'il était au 106, 9e rue. Le bâtiment présent aurait été construit en 1930. Selon un informateur, leur local (« un gros shack >>) n'aurait plus été occupé avant 1939, tandis que selon un autre, il était encore ouvert en 1949, où on y faisait des danses. Selon le Registraire des entreprises du Québec, la Croatian Home of Noranda aurait duré entre 1932 et 1961. Un témoin dit que les Croates auraient vendu leur salle durant les années 1960.
SALLE ITALIENNE
À l'Italo-Canadian Club, on y faisait des soupers, des danses, des fêtes et des pique-niques. Le Club a possédé deux salles. La première, la plus connue, était au 55, avenue Dallaire, là où se trouve la salle des Chevaliers de Colomb. Par contre, d'après une autre information, une salle précédente aurait existé à partir de 1951, sur l'avenue Pelletier, ou dans un hangar près du Palais de justice. On retrouve la mention du site sur l'avenue Dallaire (anciennement Bagshaw) en 1957. C'est en 1958 qu'ils auraient pris place à leur endroit le plus connu, dans un vieil édifice en bois réaménagé, qui a brulé la même année. Ils ont aussitôt construit le bâtiment tel qu'on le connaît, en corvée. On y voit une date, 1958, dans le terrazzo des escaliers du porche extérieur. L'architecte Auguste Martineau en aurait conçu les plans. Robert Montemuro, de la célèbre chaîne d'alimentation, était très impliqué dans l'organisme. Le bâtiment fait partie de la liste des bâtiments répertoriés, mais non évalués du patrimoine bâti de la ville.
La deuxième salle était au 172, avenue du Lac, là où est le Syndicat producteur de bois de 1'Abitibi-Témiscamingue, en face de la Maison Dumulon. Il semble qu'avec le temps, le contingent italien diminuant, le local de l'avenue Dallaire était devenu trop grand. C'est pourquoi ils l'auraient échangé avec les Chevaliers de Colomb qui étaient situés sur l'avenue du Lac. C'est en 1970 qu'on le retrouve à cet endroit, noté au 176, avenue du Lac. En 1979, ce bâtiment aussi a dû être délaissé, faute de population italienne suffisante pour le faire vivre. C'est par la suite que les Italiens auraient ponctuellement loué le Remembrance Hall (Petit théâtre du Vieux Noranda). D'après le site du Registraire des entreprises du Québec, ['organisation existe officiellement depuis 1954. L'organisme loue encore entre autres la salle des Chevaliers de Colomb et la Légion pour ses activités.
Salle Polonaise
Le Polish Hall se trouvait au 29, rue Mgr Tessier Est (anciennement rue Noranda), à côté d'où se trouve aujourd'hui Larouche bureautique. D'après les photographies, en haut de la façade postiche en arc de cercle, on peut voir la date de sa construction : 1933. L'entrepreneur qui l'a construit était J.S. Denny. Son ouverture date de décembre de la même année.
Dans cette organisation, on y donnait des soirées folkloriques, des danses, des soupers, des pique-niques et des cours de langue. Bien qu'il était encore présent en 1940, l'endroit aurait fermé durant la Deuxième Guerre mondiale, au même moment où débutait la salle ukrainienne. Par la suite, les Polonais auraient loué ponctuellement le Remembrance Hall (Petit théâtre du Vieux Noranda). L'organisme aurait eu une équipe de soccer de 1949 à environ 1960, qui jouait entre autres contre les Italiens et tenu des réunions politiques dans les années 1950. D'après un auteur, l'organisme aurait disparu avant 1974 et selon un informateur en 1973, un autre vers 1975. Sur le site du Registraire des entreprises du Québec, le Polish Cultural and Educational Club of Rouyn-Noranda a duré officiellement entre 1950 et 1987.
Conclusion
Comme on peut s'en rendre compte, l'information concernant ces bâtiments est souvent incomplète, parcellaire et contradictoire. La documentation concernant ceux-ci est mince et leurs occupants sont décédés ou partis depuis longtemps vers l'Ontario. À peu près seules les entrevues nous ont permis de tracer un portrait de ces salles de regroupements. Cependant, cet exercice de collecte d'information était nécessaire, ne serait-ce que pour se remettre à l'esprit l'importance qu'ont détenue ces communautés pour assurer la vitalité de notre communauté.
Cnacudi ! Kiitos ! Danke ! Grazie ! Hvala ! Dzieki !
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